Congé pour le décès d’un enfant : face à l’indignation, le gouvernement contraint de faire volte-face

  Muriel Pénicaud, le 17 janvier 2020.

Suite au déferlement de réactions suscitées par le rejet du projet de loi allongeant la durée du congé deuil de 5 à 12 jours en cas de décès d’un enfant, le gouvernement reconnaît “une erreur”. Et s’engage à refaire voter la mesure.

La position était trop intenable, la pression trop importante. Moins de quarante-huit heures après avoir repoussé une proposition de loi du député (UDI-Agir) Guy Bricout demandant l’allongement de cinq à douze jours du congé de deuil pour les salariés ayant perdu un enfant mineur, gouvernement et parlementaires LREM reconnaissent dans un bel unanimisme que ce vote était « une erreur » et qu’il est urgent de revenir dessus.

Comment en est-on arrivé là sur un sujet qui aurait dû réunir tous les groupes parlementaires, quelle que soit leur couleur politique ? Comment des femmes et des hommes ne se sont-ils pas rendus compte de l’énormité de ce qu’ils votaient, ou plutôt refusaient de voter ? Sept jours de congés de plus donnés à des parents qui viennent de perdre leur fils ou leur fille. Ni plus, ni moins. Sachant que l’on parle de 4500 enfants par an et d’une tragédie qui bouleverse l’existence de tous ceux qui la vivent. Tout ça au nom d’un unique argument : « Ne pas faire encore peser cette charge sur l’entreprise. »

Quelle vision étroite et idéologique de l’entreprise ! Et quelle ironie de la voir défendue – entre autres – dans l’hémicycle, par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ancienne directrice générale des ressources humaines du groupe Danone, réputé pour promouvoir depuis des décennies la responsabilité sociale des entreprises, ce que rappelle d’ailleurs son PDG, Emmanuel Faber, dans les colonnes de L’Obs, cette semaine.

Un déchaînement de réactions

Dès l’annonce du vote, jeudi 30 dans la journée, c’est un déchaînement de réactions sur les réseaux sociaux. À la stupeur et l’incompréhension se mêlent l’écoeurement et la colère de dizaines de milliers de personnes qui dénoncent « l’insensibilité » du gouvernement, quand ce n’est pas tout simplement son « inhumanité ». La charge est fondée, violente et en partie injuste (qui peut croire qu’aucun de ceux qui ont voté contre cette loi soit « inhumain »), mais elle rejoint des critiques adressées depuis des mois au gouvernement sur son manque d’empathie, qui plus est sur un sujet dont on ne parle quasiment jamais, mais d’une extrême sensibilité.

Un tweet de l’ancienne présidente du Medef, va encore accroître la pression vendredi 31 janvier. Laurence Parisot y indique que l’organisation patronale « s’honorerait à demander un nouveau vote de cette proposition ».

« C’est une évidence et c’est lancé », lui répond presque instantanément dans un tweet, l’actuel président du Médef, Geoffroy Roux de Bézieux. Une prise de position salutaire mais politiquement ingérable pour le gouvernement pris en flagrant délit de vouloir défendre les entreprises qui n’en demandaient pas tant…

Dès lors, ne reste plus qu’à organiser le rétropédalage. En fin de journée, Muriel Pénicaud et le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance Adrien Taquet annoncent ensemble dans un communiqué, qu’une « concertation avec les acteurs associatifs, les organisations syndicales et patronales » serait engagée pour « déterminer les mesures pertinentes de soutien aux parents en cas de perte d’un enfant, y compris une meilleure organisation des congés ». En ligne de mire, l’examen de la proposition de loi au Sénat, où le gouvernement se sait maintenant attendu.

Macron obligé d’intervenir

Une prise de position qui ne suffit cependant pas encore à tarir le déferlement de réactions et va obliger Emmanuel Macron à intervenir lui-même. Samedi 1er février, en fin d’après-midi, l’Élysée fait savoir à BFMTV puis à l’AFP que le chef de l’État a « demandé au gouvernement de faire preuve d’humanité ». Le mot est lâché. Il est immédiatement repris par le groupe LREM qui, 48 heures après avoir voté contre la loi, tweete sans sourciller : « Les députés de La République en marche sont prêts à revoter rapidement la proposition d’élargir le congé accordé aux parents ayant perdu un enfant. Elle devra faire l’objet d’un large accord entre gouvernement, entreprises et groupes parlementaires. Tous guidés par un objectif d’humanité. »

De son côté, Muriel Pénicaud, visiblement affectée par cette polémique, n’en finit plus de faire son mea culpa pour éteindre l’incendie. « Face au deuil, il faut du soutien psychologique et nous allons le renforcer. Mais il faut aussi un temps de répit. Sur ce sujet, le gouvernement reconnaît une erreur qu’il entend rapidement corriger », déclare-t-elle à l’AFP. Un peu plus tard sur LCI, la ministre du Travail expliquera : « À la fin, le projet de loi sera meilleur et c’est ça qui importe. On y aura rajouté les RTT (ndr : le don de RTT au profit d’autres salariés qui ont perdu un enfant sera autorisé), de l’accompagnement psychologique qui est très lacunaire aujourd’hui, alors qu’il est très souvent nécessaire, et des jours de congés supplémentaires. » Si c’est bien le cas, cette polémique n’aura pas été vaine.

 

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