Face au passage en force par l’utilisation du 49.3 de la loi Macron « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » le 10 juillet dernier, il devient plus qu’urgent d’utiliser tous les outils à notre disposition afin de se battre contre les mesures régressives qu’elle prévoit : accords de maintien de l’emploi élargis, assouplissement des règles sur le travail du dimanche et les licenciements économiques, attaques contre les Conseils de prud’hommes… mais aussi plafonnement des indemnités pour licenciement.
Le Conseil constitutionnel (saisi le 15 juillet dernier au sujet de la loi Macron par les députés de l’opposition) aura à se prononcer dans le mois qui vient notamment sur l’article 87D de la loi. Cet article prévoit le plafonnement des indemnités obtenues en justice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La CGT a souhaité apporter ses propres arguments au débat initié sur ce sujet devant le Conseil constitutionnel par le Syndicat de la Magistrature et le Syndicat des avocats de France (SAF). Aussi, la CGT a présenté des observations pour mettre en évidence que l’instauration d’un plafonnement d’indemnités ne respecte pas certains principes constitutionnels français.
Pour rappel, en cas de licenciement jugé illicite, l‘article 87D contraint les juges des Conseils de prud’hommes à appliquer un barème d’indemnisation fixé par la loi. Ainsi, ce n’est plus le juge qui décide lui-même du montant de la réparation au regard de l’étendue du préjudice subi par le salarié. Désormais, il devra se référer aveuglément à un tableau lui indiquant le montant à octroyer au salarié en fonction de son ancienneté et de la taille de son entreprise. Ainsi, un salarié de 50 ans, avec des charges de famille encore importantes et peu de chance de retrouver un emploi, mais qui travaille dans une entreprise de moins de 299 salariés et ayant moins de 2 ans d’ancienneté, pourra se voir attribuer une indemnité maximum de 4 mois de salaire.
On le constate donc : la loi ne permet pas de garantir une adéquation entre le préjudice subi et la réparation !
Cette mesure est une aberration, elle porte atteinte à plusieurs droits et principes constitutionnels : droit à l’emploi, droit à un recours effectif en justice, droit à la réparation intégrale du préjudice subi.
En effet, les plafonds d’indemnités prévus par la loi Macron sont dans certains cas tellement faibles que les frais d’avocat occasionnés par le procès ne seront même pas couverts par les indemnités que le salarié peut espérer obtenir du juge. Cela revient à priver le salarié d’un recours effectif en justice.
D’autant plus qu’aujourd’hui de nombreuses « petites » entreprises sont en réalité des filiales de très grands groupes, qui disposent de moyens considérables. Il n’y a donc aucune raison de leur permettre de licencier à moindre frais.
Au final, les patrons pourront, grâce à cette nouvelle loi, « provisionner » les indemnités dues en cas de licenciement mis en œuvre sans aucun motif valable. Cela rend les salariés d’autant plus tributaires de l’arbitraire patronal.
Il est donc essentiel que le Conseil constitutionnel censure cette disposition manifestement contraire à des principes fondamentaux.
Montreuil, le 29 juillet 2015